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16 juin 2012 6 16 /06 /juin /2012 20:16

"Bientôt, il n'y aura plus que des chefs d'exploitation. Le paysan est mort". Cette phrase, c'est un paysan qui la lâche, alors qu'il vient revoir sa ferme, quelques mois après qu'elle ait été vendue ou plus exactement démantelée et dispersée au quatre coins de la région qu'il habite. C'est un reportage poignant qui fait suite au 13 H 00 de France 2 ce samedi, qui nous compte l'histoire de cet homme, un paysan, la cinquantaine, qui a toujours travaillé durement, de l'aube au crépuscule. Et puis voilà, il y a quelques années, il a fallu mettre la ferme aux normes, de ces normes que décident d'imposer ces fonctionnaires de Bruxelles, plus habitués au complet veston et aux bureaux feutrés, qu'à la ferme, aux vaches et aux pâturages. Ces mesures, ils les prennent sans doute de bonne foi mais sans vraiment savoir ce qu'est un paysan, son environnement, ses problèmes au quotidien. Non, eux travaillent à coups de rapports, de statistiques, d'où les paysans sont exclus, du moins en temps qu'hommes. A Bruxelles on aime les chiffres mais on ignore les paysans et leur condition. 

 

Pour poursuivre son activité, notre paysan doit donc impérativement investir dans un bâtiment aux normes et s'endetter lourdement. A croire que tout ce qu'il produisait avant n'était pas de "qualité européenne". Et pourtant, il élevait des bêtes remarquables mais pour cela prenait son temps, celui de la nature et non pas des marchés qui désormais ne laissent tout au plus que dix-huit mois pour produire une bête bonne à consommer. Et ce bâtiment aux normes et sa façon traditionnelle de pratiquer l'élevage vont le mener très vite sur la paille, avec à la clé une dette de quelque 115 000 euros. Il n'est alors plus maître de son destin et doit cesser son activité. Arrive l'horrible journée au cours de laquelle tout son outil de travail, y compris ses bêtes, vont être dispersés lors d'une vente aux enchères. Tout le monde est venu, ceux qui veulent acheter, au plus bas prix, mais aussi les curieux, qui souhaitent sans doute voir à quoi cela ressemble une ferme qui vit ses dernières heures et un paysan, honnête, travailleur, courageux, contraint à tirer sa révérence. 

 

Les outils partent l'un après l'autre, chacun pour une poignée d'euros. Les tonnes de foin ont du mal à trouver un acquéreur. Et puis c'est au tour des bêtes, tout bonnement soldées, et enfin du fameux bâtiment à l'origine de la ruine de cet homme, qui part pour une somme inférieure à la moitié de son prix initial. 8 jours seront nécessaires à l'acquéreur pour le démonter alors que notre paysan a mis plus d'un an pour qu'il soit totalement opérationnel. Comment ne pas avoir la rage au coeur devant tant d'injustice ? Touchant encore ses indemnités, il vit aujourd'hui chez une amie agricultrice dont le mari s'est suicidé, il y a quelques années. Il y travaille bénévolement. Pour autant, sa fille reste inquiète. Le nombre de suicidés parmi les paysans est en effet en constante augmentation. "Tu travailles et tu te ruines", avait lâché, mal à l'aise, celui qui organisait la vente aux enchères de la ferme, le jour où elle avait été démantelée et dispersée. En découvrant cette histoire, comment ne pas repenser au "travailler plus pour gagner plus", que prônait stupidement Nicolas Sarkozy en 2007, histoire d'être élu. Décidément, nos dirigeants sont bien loin des réalités à force d'avoir le cul enfoncé dans le moelleux des tissus luxueux des fauteuils de la République. Que la campagne et les travaux des champs leur feraient le plus grand bien!

 

Le Tribun en colère

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