Rugby : la France a mal à ses Bleus

La défaite était prévisible, attendue, n'en déplaise à tous ces commentateurs et consultants qui vivent du rugby et dont une grande partie de la mission est de ne nous faire prendre des vessies pour des lanternes, à longueur de retransmissions. Les Bleus sont brouillons, fautifs, inefficaces, mais il faut, dans un langage subtilement équilibré - un peu comme en politique - laisser croire aux téléspectateurs que tout cela n'est qu'une mauvaise passe. L'expérience montre en effet que nombreux sont les Français qui suivent une épreuve sportive devant leur écran de télévision uniquement parce que la France y participe. Mais une France qui perd une première fois face à l'Italie, puis s'installe dans la médiocrité à l'occasion d'un second match contre le Pays de Galles, avant de faire la passe de trois comme ce fut le cas hier à Twickenham, face à des Anglais dominateurs mais pas au mieux de leur forme, cela ne va plus. Aussi le moral en berne du téléspectateur pourrait-il conduire à terme celui-ci à ne plus regarder le rugby le week-end. Après tout, il y a bien d'autres choses intéressantes à faire que de regarder une équipe nationale qui sombre un peu plus à chacune de ses sorties. 

D'où le langage si particulier adopté depuis quelques semaines par le duo de choc de France 2. Un véritable exercice d'acrobatie où il s'agit de parler des Bleus de façon optimiste tout en ne l'étant pas trop, de peur de passer pour des c... au cas où la défaite serait une nouvelle fois au rendez-vous. A voir les tronches des deux compères du binôme commentateur-consultant avant les matchs, on se dit qu'il ne fait pas bon aujourd'hui d'être à leur place. Imaginez que les sponsors en viennent, eux aussi, à se fatiguer de ce rugby vendu comme du champagne alors qu'il ne s'agit que d'une vulgaire piquette! Ayons donc une pensée pour eux, sincère, au cas où les Bleus se prendraient une nouvelle veste en Irlande et se feraient écosser par l'équipe du chardon. Mais n'est-ce pas un exercice que les journalistes et consultants sportifs de France télévision ont l'habitude de pratiquer ? Comment ne pas se rappeler l'exemple de Lance Armstrong à l'époque de ses "victoires" dans le Tour de France. Il s'agissait alors de dopage, dont il ne fallait surtout pas parler à propos du cycliste américain, tout en en parlant de manière plus générale. Quelle jolie brochette de faux-culs! Ils se reconnaîtront. Vive le sport ... n'est-ce pas ?

Pour ce tournoi des Six Nations 2013, l'exercice d'acrobatie va donc devenir de plus en plus difficile. Et il faudra bien plus que les 15 secondes du superbe essai de Wesley Fofana et une séquence de jeu de presque 2 minutes qui fit l'émerveillement du binôme mais ne mena à rien, une fois de plus, sans oublier l'incontournable Mathieu Bastareaud, relégué au simple rôle de bélier dont les coups de boutoir sont censés fracasser la défense adverse, pour oser prétendre à nouveau jouer un rôle de premier plan dans le rugby mondial. Le rugby, c'est le courage, la puissance, la force, certes, mais c'est aussi l'intelligence du jeu. Et d'intelligence, les Bleus ne semblent pas en être décemment pourvus depuis pas mal de temps, tout comme les sélectionneurs qui se sont succédés ces dernières années. Finalement, ces Bleus sont un peu à l'image des petits clips réalisés par le service des sports de France 2 et diffusés dans la semaine qui précède un match de l'équipe de France : d'esprit potache particulièrement niais! Le Rugby n'est-il pas un sport de voyous joué par des gentlemen ? Alors redonnez-nous nos gentlemen, ceux qui savent faire jaillir les bulles nécessaires à notre plaisir!

Le Tribun en colère