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1 mai 2013 3 01 /05 /mai /2013 18:44

Il y a des mots comme cela dont s'emparent nos hommes et nos femmes politiques, des mots qu'ils répètent ensuite à longueur de discours, parce que ce sont des mots dans l'air du temps qui leur permettent de donner une apparente tenue à leurs déclarations publiques, alors que bien souvent, ces mots répétés toutes les deux lignes, en viennent à perdre jusqu'à leur véritable signification. Le mot "innovation" en est sans doute l'un des plus emblématiques de notre époque. Savez-vous que certains employés de l'INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) s'amusent à faire des paris sur le nombre de fois qu'un ministre va prononcer le mot "innovation" dans un discours. Eh oui, selon nos hommes et nos femmes politiques, relayés les yeux fermés par des médias, hélas bien trop incultes et sans la moindre originalité, l'innovation serait l'une des clés du redressement industriel dont la France à besoin, dit-on, pour créer des emplois et résorber le chômage! L'innovation serait en effet un mot magique, une sorte de produit miracle qu'il suffirait de vaporiser sur la France pour que celle-ci retrouve le "plein emploi" (non, ne riez pas).  

 

Vu comme cela, c'est en effet claire comme de l'eau de roche. Nous Français serions majoritairement des c... incapables d'innover, c'est-à-dire de créer un Google ou un Facebook. Eh oui! Car aujourd'hui, ce serait cela l'innovation, les Américains Google et Facebook. Et tout le personnel politique qui encombre l'Hexagone d'expliquer à longueur de temps que la France n'innove pas car elle n'a pas su créer des Google et des Facebook. Et les médias de répéter tous en coeur les mêmes conneries qui finissent par convaincre un public de citoyens de plus en plus majoritaire. Pourtant, il suffit d'aller se promener dans les régions françaises - ce que font très peu de politiques, ou alors pour quêter des voix - pour se rendre compte que nombreuses sont les entreprises, petites, moyennes ou grandes, qui innovent et n'ont pas attendu que les gouvernements successifs les y invitent. Ces discours autour de l'innovation sont d'autant plus comiques que la quasi-totalité de ceux qui les prononcent n'a jamais innové. Ils ne connaissent que le mot et le répètent jusqu'à l'asphyxie et le ras-le-bol du public. 

 

Récemment, Arnaud Montebourg, l'homme du redressement productif, cela ne s'invente pas une telle expression qui n'évoque pas vraiment l'innovation, a décerné le 1er prix national de l'innovation industrielle à une remarquable entreprise française, leader mondial des équipements aéroportuaires, une entreprise qui fait la nique à des Américains, des Allemands et des Chinois! Chapeau n'est-ce pas ? La petite merveille technologique qu'elle a mis au point et qu'elle teste actuellement avant de la commercialiser début 2014, cette entreprise va la produire en France, mais ses dirigeants ont beaucoup hésité avant de faire ce choix. Car pour garder sa place sur ces marchés où cela bataille dur au quotidien, cette entreprise fabrique les trois quarts de ses produits à l'étranger, et notamment en Chine. Or le cas n'est pas rare, c'est même la démarche que suivent de plus en plus d'entreprises, et pas seulement françaises. Les iPhones de Apple sont-ils fabriqués en Californie ? Non, en Chine, qui plus est dans des conditions de travail plus que discutables pour les employés chinois. Ce qui n'empêche pas le géant américain d'innover.

 

Preuve que l'innovation n'est pas la clé pour créer des emplois sur le territoire national. Ou alors il faut introduire un deuxième mot "magique" qui ponctue également le discours des politiques et les colonnes des médias, le mot "compétitivité". Tout est là, messieurs mesdames. La compétitivité serait le remède absolu. Pour être compétitif, il faut donc innover. Jusque là, tout va bien. Mais l'innovation ne suffit pas à être compétitif. Preuve en est que beaucoup de petites entreprises innovent mais pour autant ne sont pas compétitives sur leur marché. C'est bien cela le problème. Mais alors, que leur faudrait-il pour qu'elles soient compétitives ? Le "petit plus" serait que ces entreprises commercialisent leurs produits à des prix beaucoup plus bas qu'aujourd'hui, des prix "plus compétitifs". La solution ? Que les charges patronales diminuent. Du moins est-ce ce que l'on tente de faire croire aux citoyens depuis des mois, voire des années. En fait, dans l'esprit de ceux qui défendent cette option, il y a bien plus que la baisse des charges patronales qui ne serait que la première étape d'un changement beaucoup plus profond du monde du travail. 

 

Car au-delà de cette baisse, qui évidemment ne suffira pas, ou si peu, aux entreprises françaises pour être compétitives, il faudra à terme faire disparaître le Smic. C'est ce qui pend aux nez de l'ensemble des travailleurs en France. Ceux qui défendent cette option vous rétorqueront que le smic n'existe pas en Allemagne, un pays modèle où il fait si bon vivre, tout le monde le sait (là aussi, ne riez pas). Et ceux-ci de nous ressortir toujours le même exemple de l'industrie automobile allemande où des syndicats puissants ont réussi à négocier des salaires tout à fait convenables. Mais qu'en est-il d'autres secteurs, beaucoup moins en pointe ou dont le poids économiques reste secondaire ? Autrement dit, si les entreprises françaises tout en étant innovantes veulent être compétitives, il faut qu'une majorité de leurs salariés accepte de travailler plus pour gagner beaucoup moins. Telle est l'idée "tendance" qui habite le cerveau de beaucoup de nos dirigeants, une idée qui va être difficile à faire avaler, certes. Cela dit, le poids du chomage ne cessant de croître chaque mois, celle-ci risque à terme d'être acceptée. Ne voit-on pas dès aujourd'hui des entreprises dans lesquelles les salariés sont contraints d'accepter de perdre leurs acquis pour soi-disant sauver leur emploi. Une façon subtile de faire avaler la pilule. Le mouvement est enclenché. Il sera difficile de l'arrêter si nous ne faisons rien. Reste à savoir si nous souhaitons survivre en lâches ou vivre en hommes. 

 

Le Tribun en colère

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