Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
27 février 2013 3 27 /02 /février /2013 20:30
Stéphane Hessel, l'Indigné, vient de nous quitter. L'occasion pour le Tribun de mettre en ligne la version plus courte d'un article publié il y a un peu plus d'un an à propos de cette nouvelle activité qui consiste à s'indigner. L'indignation perçue comme une sorte de hochet pour les grands enfants que nous sommes tous. Un hochet bien utile pour masquer notre lâcheté. Finalement, on s'indigne pour tout et pour rien. On conjugue l'indignation à tous les temps et puis quoi ? Le monde reste ce qu'il est, à notre image, médiocre! L'indignation est-elle un aboutissement, une sorte de "médecine douce" qui permet ainsi de purger le trop-plein de mécontentement ? Ou y a-t-il une étape suivante, plus pratique et surtout plus efficace ? Car s'indigner, cela n'a qu'un temps et ne mène pas à grand chose. A terme, cela pourrait même en décourager beaucoup. Se posera alors la question de l'action, la vraie, qui impose de "secouer" l'adversaire, en l'occurrence le pouvoir, afin qu'il prête, ne serait-ce qu'une oreille, au mécontentement des actuels indignés. Reste à savoir jusqu'où ceux-ci sont prêts à aller.

Voici l'article : 
S'indigner est devenu très "tendance". Une pratique d'autant plus curieuse que beaucoup d'entre nous semblent avoir perdu toute dignité, que ce soit du côté de ceux qui tiennent le manche que de ceux qui subissent sans broncher. Après avoir quasiment tout perdu, ne nous resterait-il que cela, s'indigner ? Il est vrai que s'indigner n'engage à rien et puis le risque est minime. "Si cela ne fait pas de bien, ça ne peut pas faire de mal", rappellerons les tenants du "bon sens". C'est sans doute pour cela que cette solution "soft", sorte de gadget dont la démocratie à le secret, fait actuellement recette dans plusieurs pays, y compris aux Etats-Unis. A croire qu'avant la crise, nous n'avions aucune raison de nous indigner. La crise ... vous savez, celle à propos de laquelle Christine Lagarde, l'actuelle directrice générale du FMI, affirmait en experte - tu parles! - alors qu'elle n'était encore que ministre de l'économie, que cette satanée crise était quasiment derrière nous. Quel humour!!!

 

N'y avait-il pas déjà une misère grandissante en France ? Des centaines de milliers de personnes privés de tout ? Des SDF crevant de froid chaque hiver - souvenez-vous pour les plus âgés, l'hiver 54 - et faisant la "une" des médias, l'espace de quelques heures ? Des patrons voyous délocalisant leurs entreprises à tour de bras ? Des traders jouant à ce grand casino qu'est la bourse et spéculant sans vergogne - n'est-ce pas une activité autorisée, alors pourquoi s'en priver - pour faire gagner des milliards à leurs clients, sans s'inquiéter des effets collatéraux catastrophiques sur l'économie réel ? Des politiques véreux, pourris jusqu'à la moelle, jouant à la démocratie pour mieux empocher la mise ? S'indignait-on alors ? Curieusement, tout le monde applaudissait aux exploits de Robin des Bois qui prenait aux riches pour redistribuer aux pauvres. Mais c'était au cinéma. Ah oui, faut quand même pas exagérer! C'est beau la justice quand c'est le 7ème Art qui l'a met en scène, durant près de 2 heures, avec des stars hollywoodiennes payées des millions de dollars. 

 

Mais une fois franchie la porte du cinéma, on retrouve le réalité avec un monde qui tourne de plus en plus vite. Rappelez-vous le célèbre auteur anglais Lewis Carroll qui, dans son livre intitulé De l'autre côté du miroir, deuxième volet d'Alice au pays des merveilles, décrit un épisode au cours duquel le personnage principal et la Reine Rouge se lancent dans une course effrénée. Et Alice de demandez alors : "Mais Reine Rouge, c'est étrange, nous courons vite et le paysage autour de nous ne change pas ?" Et la reine de répondre : "Nous courons pour rester à la même place". Alors nous courons tous, de plus en plus vite, pour tenter désespérément de conserver notre place, aussi médiocre et étriquée soit-elle. Mais de cette place dépend notre vie quotidienne. Il faut donc courir et courir encore, ce qui nuit forcément à notre aptitude à réfléchir à notre condition humaine. Alors parfois, on s'autorise un "petit extra", histoire de montrer aux autres, et de nous prouver, qu'il y a encore en nous quelque chose de pas si mauvais que cela. Et v'la que l'on s'autorise à s'indigner! C'est le "must" actuel!

 

Aujourd'hui, l'indignation semble être devenue une activité à part entière. Alors indignons-nous en choeur, entre amis autour d'une tasse de café et de petits gâteaux, entre collègues autour d'un déjeuner, entre voisins quand on se croise dans l'escalier, indignons-nous partout et en permanence, du matin au soir et du soir au matin. Il existe tellement de raisons de s'indigner que nous sommes partis pour des siècles d'indignation. Dans certains pays, les indignés ont même leurs lieux de rassemblement, voire d'occupation. Peut-être qu'un jour les zélateurs de la démocratie découvriront les avantages qu'ils pourraient tirer de la mise en place de "lieux" spécifiquement réservés à l'indignation. On s'y indignera à tour de rôle, on se passera le relais dans cette course effrénée à l'indignation, et peut-être qu'un jour on en viendra à décerner des Trophées de l'Indignation. Mais attention, l'indignation à laquelle on assiste est une indignation contrôlée, surveillée, bien délimitée, voire "parquée", une indignation qui ne dérange pas les gouvernants. Elle pourrait même s'avérer très "payante" pour ces derniers, l'indignation étant devenue dans l'esprit de beaucoup une preuve de la bonne santé des démocraties. On croit rêver!

 

Le Tribun en colère

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Le bruit de "l'indignation" de Stephane Hessel a été multiplié par dix, voire cent, car elle s'adressait au pouvoir passé! Elle est passée complètement au-dessus des têtes des politiques actuels.
Répondre
L
<br /> <br /> Bonjour<br /> <br /> <br /> et merci pour ce commentaire auquel adhère pleinement le Tribun. <br /> <br /> <br /> Cela dit, la question centrale est de savoir à quoi sert l'indignation .... sans une suite à cette indignation. <br /> <br /> <br /> D'où cette fonction de gadget très tendance. <br /> <br /> <br /> Au plaisir<br /> <br /> <br /> Le Tribun<br /> <br /> <br /> <br />