A défaut de créer, notre société ne fait que "revisiter"!

Sans doute l'avez-vous observé, pour commencer dans les émissions autour de la cuisine qui infestent - le mot n'est pas trop fort - les chaînes de télévision depuis quelques années, mais aussi dans ces émissions "crétinisantes" - le mot est encore trop soft - du style "La Maison France 5 - émission qui plus est indécente en période de crise - notre époque n'est plus à créer mais à "revisiter". Cuisiniers, pâtissiers, décorateurs, architectes .... tous, privés semble-t-il d'esprit créatif, revisitent ce qui a été créé il y a longtemps par leurs prédécesseurs. Il faut les voir ces cuisiniers, devenus on ne sait pourquoi les stars d'une société dont les citoyens consacrent de moins en moins de leurs revenus à leur alimentation quotidienne, "revisiter" la tomate farcie de nos grands-mères, pour en faire .... une tomate farcie dont la principale caractéristique est de privilégier le "paraître", alors que celle ce nos grands-mères était juste "bonne" et non "goûteuse", selon le terme "tendance" qui définit celle de nos cuisiniers stars.

Même chose du côté des architectes qui, pour l'immense majorité d'entre eux, ne bâtissent pas - ils en sont bien incapables - mais revisitent à leur manière ce que leurs prédécesseurs ont su créer. Il faut les voir notamment dans "La Maison France 5" nous expliquer comment, se saisissant d'un vieil atelier ou d'une boutique abandonnée, ils ont revisité ces lieux pour le compte de quelque bourgeois fortunés. Et le présentateur - à qui Gabin, alias le "Commandant" dans le film Le Gentleman d'Epsom, dirait sûrement "Ridicule, mais certes non .... Dites-vous bien que je sais les reconnaître. Croyez-moi ... vous en êtes un! - de s'extasier à chaque pièce et de s'ébaubir stupidement devant ce qui n'est en somme qu'un banal recyclage architectural où, là encore, le "paraître" et la débauche de fric que cela a nécessité, sont mis en avant. Remarquez, il y a pire ... à l'image de Valérie Damidot, cette sorte de Raymonde Bidochon en plus jeune, qui, depuis des années, sur M6, est capable de vous revisiter un cageot ramassé sur le marché pour en faire une bibliothèque pour citoyen n'ayant pas les moyens de s'attarder sur le merisier ou le chêne massif.

Mais cette maladie chronique qui consiste à tout revisiter, dans tous les domaines - Michel Drucker lui-même qui, à l'image de certains coquillages, s'accroche à la télévision, et plus particulièrement à nos dimanches après-midi mais aussi à nos soirées du samedi, est allé jusqu'à revisiter, et pourquoi ne pas dire recycler, son émission phare des années 80 Champs Elysées qui, initialement, n'était déjà que du Guy Lux revisité - cette maladie chronique disions-nous touche aussi la politique. La Vème République n'est-elle pas notamment qu'une longue succession de promesses, non tenues pour la plupart, de mensonges, plus gros les uns que les autres, de magouilles, et d'absence de courage, de la part d'équipes politiques successives qui n'ont fait que revisiter ce qu'avaient fait leurs prédécesseurs ? Résultat, rien ou presque ne bouge, à croire finalement que personne ne souhaite un vrai changement. Tous ces messieurs et dames répètent à longueur de discours que nous entrons dans un nouveau monde et qu'il faut l'aborder avec de nouveaux outils alors qu'eux-mêmes ne font que revisiter des idées, déjà passablement recyclées, tout au long de leurs mandats électifs. Pas étonnant dans ces conditions que nous soyons dans la situation actuelle. D'où l'urgence de créer pour nous sortir de ce bourbier.

Le Tribun en colère