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25 août 2012 6 25 /08 /août /2012 15:07

Alors qu'un animateur emblématique de la télé fric vient de s'éteindre à l'hôpital, loin des paillettes de ce miroir aux alouettes qu'est devenue la télévision depuis le début des années 80, un cycliste américain, septuple vainqueur du Tour de France, soupçonné de dopage, est "suspendu à vie" par l'Usada, l'Agence américaine antidopage, qui "annule l'ensemble de ses résultats en compétition, du 1er août 1998 à aujourd'hui, pour violation des règles antidopage". En cette fin de mois d'août qui n'aura pas été très riche en informations aptes à causer le grand frisson ou à faire couler des larmes, si ce n'est une courte canicule, abondamment "théâtralisée" par la télévision, comme toujours, mais à laquelle il a manqué son nécessaire cortège de morts pour qu'elle soit pleinement médiatique, la disparition de Jean-Luc Delarue et la suspension à vie de Lance Armstrong apparaissent ainsi comme du pain béni pour les "journalistes". 

 

Aussitôt le décès de l'animateur vedette a-t-il été annoncé que les principaux membres de cette "famille des médias" - tu parles d'une famille! - y sont allés de leur petite phrase dithyrambique, à commencer par l'inévitable Michel Drucker, "lécheur en chef", toujours présent dans des moments aussi médiatiques. Que la mort d'un homme de 48 ans apparaisse toujours comme une profonde injustice, passe encore, même si pour beaucoup d'êtres humains (sur)vivants à la surface de cette planète, c'est un âge canonique qu'ils n'atteindront jamais. Mais de là à en faire un être d'exception, un créateur hors-pair, une sorte de Steve Job des médias, il y a un sacré pas que certains habitués de l'hommage dégoulinant en de pareilles circonstance n'ont pas hésité à franchir ; n'est-ce pas m'sieur Drucker ? 

 

A les écouter, Jean-Luc Delarue a donné la parole aux anonymes en leur permettant de venir à la télévision parler de leur vie, toujours trop étriquée, souvent malmenée, voire bouleversée, parfois saccagée à tout jamais. Est-ce là ce seul talent qui en fait aujourd'hui, dans la bouche de certains, un "grand créateur" ? Reste à savoir si c'est le rôle de la télévision de "mettre en scène", devant des millions de téléspectateurs, les malheurs et les bonheurs de la vie. Miser sur l'exhibitionnisme des uns et le voyeurisme des autres pour faire de l'audience, est-ce cela être créatif ? Et n'y a-t-il pas comme de l'indécence à se faire des montagnes de fric, si facilement, juste en parlant des problèmes personnels des autres, problèmes que l'on range un peu vite dans ce que l'on appelle les "sujets de sociétés", histoire de faire un peu plus sérieux ? 

 

Même hypocrisie des médias à propos de cette autre machine à faire du fric qu'est Lance Armstrong. A longueur d'années, on nous rebat les oreilles avec le dopage et ses méfaits. Bien mielleux, dégoulinants de discours hypocrites, beaucoup de journalistes sportifs, en particulier au sein de France Télévision, en font des tonnes à propos de la lutte anti-dopage. Retransmission du Tour de France oblige, un gros Barnum qui génère là encore des montagnes de fric, chaque année, c'est toujours l'image d'un "tour propre" qui est resservie aux téléspectateurs naïfs qui n'en finissent pas de se faire avoir ... parce qu'ils le veulent (valent ?) bien. Mais comme tout le monde en croque - faut bien gagner sa vie messieurs les journalistes - tous, à tous les niveaux, des coureurs aux directeurs sportifs, en passant par les marques, les médias et les organisateurs du Tour ferment plus ou moins les yeux, même s'ils nous assurent, tous, qu'ils font tout pour lutter contre le dopage, ce qui est vrai, du moins en apparence. Il y a bien quelques lampistes qui paient pour les autres, mais Armstrong, comment expliquer ses 7 Tour de France sans un seul contrôle anti-dopage positif ? Cherchez la faille. 

 

Alors quand le couperet de l'Usada tombe sur le cycliste américain, on sent comme une gêne feinte dans le monde du cyclisme. Personne ne sait rien, n'a jamais rien vu ... tous étant visiblement gênés. Réaction d'autant plus curieuse que le cyclisme et le dopage, c'est déjà une longue histoire. Allez donc discuter avec les anciens, les coureurs, les passionnés, et ils vous diront que même les grands champions comme Coppi et Anquetil "ne roulaient pas à l'eau claire". Ce qui n'empêche pas aujourd'hui encore à tout ce petit monde de faux-culs d'avoir ce discours hypocrite, histoire de protéger la machine à faire du fric qu'est devenu le Tour de France. Une démarche qui ressemble étrangement à celle adoptée par les militaires américains lors des deux guerres du Golfe et qui consiste à ne montrer que de l'image propre de conflits sales, gorgés de sang, de souffrances et de morts. Avec le sport, et le Tour de France en particulier, c'est un peu la même chose, avec un seul mot d'ordre acceptable, celui d'un Tour propre ... alors que les coulisses ne semblent pas l'être du tout.  

 

En fin de compte, Delarue et Armstrong sont bien plus proches qu'on pourrait le croire. Tous deux sont les produits emblématiques d'une époque qui se caractérise par la banalisation du mot "star". Nier leur talent respectif serait stupide. En revanche, cette notoriété qu'ils ont atteint chacun dans leur domaine est-elle véritablement le fruit de ce talent ou la rançon du fric que ces "machines" ont su générer et dont certains "parasites" profitent abondamment ? Une chose est sûre : il serait grand temps de redéfinir certains mots, de leur redonner du "corps", de la "pulpe", et d'arrêter de "déifier" à tout va des gens qui ne sont après tout que de bons professionnels plus ou moins talentueux. La télévision a connu, connaît et connaîtra de grands animateurs tout comme l'histoire du cyclisme est pleine de coureurs exceptionnels. Alors arrêtons de nous créer d'inutiles idoles de pacotilles comme autant de placebos pour tenter en vain de calmer nos angoisses métaphysiques. 

 

Le Tribun en colère

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